lundi 20 avril 2020

20 avril 2020 - Covid-19 - Nems niveau II

20 avril.

Lundi. Une nouvelle semaine s'annonce. Tout le monde est sous Prozac, mais ça va. J'espère juste que la pharmacie ne va pas tomber en rupture de ce médicament sinon je casse tout.

Cette journée a très mal commencé. 

Revenons à dimanche soir, c'est le point de départ de cette histoire. Camille décide de nous refaire des nems. Mais végétariens. Et dans dans végétarien, il y a "rien", c'est très inquiétant. Nous nous réjouissons cependant à l'idée de manger à nouveau vietcong. Cela nous mettra dans l'ambiance pour l'après confinement avec cette guerre civile qui s'annonce avec tous les populistes de Joseph-Jean-Luc et d'Adolf-Marine confinés depuis des semaines et qui rêvent de grand soir pour se défouler et mettre à bas la société libérale. Normal, dans libéral il y a liberté, le truc qu'ils abhorrent. Je glisse subrepticement à l'oreille de nos convives que celui qui fait la cuisine se cogne la vaisselle. Nous verrons que je n'ai pas été entendu et que cela prouve que tous les jeunes ont en permanence un casque pour écouter de la musique sur les oreilles, et notamment Steve Monite ou Christophe.

Si nous avons l'essentiel dans les soutes (feuilles de riz, nouilles bizarres, nuoc nem ou nan, je ne parle par le viet), il manque quelques ingrédients. Qu'à cela ne tienne! Ouvrons la porte du garde-manger climatisé pour découvrir des trésors insoupçonnés. Je précise que c'est Camille qui fait l'archéologue. La mission est réussie. En voici le résultat:
- Un quart de reblochon, comestible mais ce n'est pas certain. Il ne bouge pas encore, c'est bon signe.
- 2 navets ramenés par Camille lors de son exode vers la Villa Medicis. Précisons que c'était il y a 4 semaines. Le navet fermenté est certes une spécialité d'alsacerie, mais tout de même.
- 1 betterave arrivée en même temps que les navets, crue je tiens à le préciser, et encore entourée de terre. Elle ressemble depuis à une momie égyptienne ou à la peau de Catherine Deneuve avant son premier lifting en 1967, excellente année au demeurant.
- 1 racine de raifort confinée elle aussi depuis plusieurs semaines et qui sent effectivement le confinement. C'est logique.
Les nems seront donc garnis de ce mélange innovant, relevé de quelques épices exotiques pour masquer le goût de ferme de la betterave et celui de lisier des navets. Je passe sur les goûts du raifort et du reblochon que je n'arrive pas à caractériser. Ah si, la morgue de l'hôpital de Mulhouse, suis-je bête!

Nous avons donc tout ce qu'il faut pour cette nouvelle série de nems, bientôt en replay sur Netflix. 

Description de la recette. 

Vérifier que le teckel est bien dehors si vous appelez Camille. C'est le cas. C'est bien son prénom. A Camille. Pas à Hector.
Envahir la cuisine en préparant les ustensiles: 1 mixeur, 9 couteaux, 12 casseroles et 5 poêles. 12 torchons, 2 économes, 1 batteur.
Faire tremper les nouilles de riz dans l'eau froide, dans une première casserole. 
Découper le reblochon. Mettez-y les formes pour que ce soit joli tout plein. Réserver dans une seconde casserole.
Eplucher les deux navets et la betterave. Râper avec le matériel adéquat. Bon, là, le robot râpeur a été confondu avec le robot mixeur. Cela donne une purée rouge et blanche, ce qui nous fait du rose sur la palette. Réserver aussi, mais une pizza au food-truc du coin, c'est plus prudent.
Couper les nouilles de riz ramollies en tronçons de quelques millimètre. Si vous les passez au mixeur comme Camille, ce n'est pas très grave. Les tronçons feront quelques nanomètres. Nous mangerons donc des nanoparticules de nouilles. Nous verrons bien si c'est mauvais pour la santé les nanoparticules. Appeler Elise Lucet pour savoir: elle sait tout. Surtout sur ce qu'elle ne connaît pas, mais ce doit être par idéologie.
Mélanger le tout SAUF le reblochon dans la  9ème casserole, planquée juste sous la 5ème poêle, là. Enfin non. Là. Ah? Non, elle doit être ici. Sous la pile de torchons.
Dans la feuille de riz, doser artistiquement  la purée de légumes et de nouilles. Si c'est marqué Canson ou Clairefontaine sur la feuille, c'est que Camille fait une aquarelle plutôt qu'un nem. Rectifiez rapidement sous peine d'indigestion.
Poser quelques morceaux de reblochon sur le coulis couleur framboise.
Nems à la groseille calibrés
artistiquement en cours de
"frituration"
Pliez, écartez, serrez comme dirait le maître nageur de brasse coulée à ses élèves en brassières pour obtenir des nems ou des origamis vietminhs. 
Sortez la 6ème poêle. Qui est planquée sous la planche à découper la coquine. Faire chauffer de l'huile. 
Quand l'huile frémit, moi aussi.
Plongez les nems dans la friture.
Allez peindre une toile ou appeler vos amis, père, mère pendant une heure ou deux.
Si l'huile prend feu, ce qui est possible quand des artistes font la popote en téléphonant,  appelez le 18.
Une fois les pompiers passés pour éteindre l'incendie, remettre en température, mais modérément et après avoir raccroché avec Tom ou Clara, qui confinent eux aussi, mais à Strasbourg.
Le reblochon fond et s'échappe de l'origami. Rattrapez le comme vous pouvez. 
Evitez de crier: "Arnaud! Isa! le reblochon se barre! Keskejefé?"
Dresser le reblochon pour le punir sur une assiette.
Servez!
Vietcongs déguisés en nems
au Laos en 1962.

Le résultat est extraordinaire, disons-le. Dès les prémices de la cuisson j'avoue avoir couru dans mes réserves stratégiques pour sortir un bocal de confit de canard. Je ne l'ai pas ouvert: c'est dire que le nem était bon.

Nous dégustons. C'est étonnant mais comestible. Nous dînons donc de ce met délicat devant la télévision (ne pas confondre avec le télétravail), surtout les filles. Pierre file à la cave pour finir son prochain chef d'oeuvre. Et quant à moi, je go dodo.

 Lundi matin donc. reprenons le fil de l'histoire. Je me lève frais et dispo comme chaque matin. Petite cinquantaine de pompe. Il fait presque jour. Les oiseaux ne devraient pas tarder à s'éveiller. Opération kawa, sinon je ne démarre pas. Tiens, c'est curieux cette odeur de reblochon et de produits fermentés. J'arrive dans la cuis.....
- Argghhhhhhhhhhhhhhh! 
C'est exactement ce que j'ai crié. Intérieurement, il ne s'agit pas de réveiller toute la maisonnée.
La cuisine est dévastée. La vaisselle sale gît partout où un espace était disponible. La casserole 12 est empilée mais pas trop sur la poële 5. Les nouilles de riz ont séché. Si tu poses un doigt sur une des casseroles,tu restes collé comme sur une terrasse pas sèche (voir épisode précédent). Grâce au mélange betterave-navet, la cuisine est repeinte en rose. La poêle n° 32 gît négligemment sur la plaque de cuisson, encore emplie de son huile de friture à nems. Le lave vaisselle est resté ouvert avec la vaisselle sale dedans. Je viens de comprendre l'odeur de fermentation.

Comme je n'ai pas encore pris mon café, je parviens à rester Zen. Extérieurement s'entend. 
Je me cogne 30 minutes de réhabilitation de la zone où a eu lieu le tremblement de terre ou le tsunami. Je tente d'appeler la Sécurité Civile. Sans succès.
- Allô? La Sécurité Civile? Oui? 
-...
- Je vous appelle à cause du tremblement de terre de magnitude 7 qui a touché la Villa Médicis de Breusch' cette nuit.
- ...
- Ma cuisine est démolie. Tout est sens dessus dessous. Je crains pour la vie de ma famille. Vous pourriez venir faire la vaiselle?

Je reste zen. 4 semaines de confinement m'ont appris à subir des choses beaucoup plus difficile: les vitres, le respirateur, la cuisine et tout et tout.

Cuisinière talentueuse.
Ou peintre monographe.
Trois années d'Ecole Démocratique m'ont également appris à toujours reconnaître les talents les plus improbables et à les encourager. Merci Solenn!

  1. N'a t'on pas bien mangé hier? Si!
  2. A t'on fait des découvertes hier? Oui.
  3. A t'on osé mélanger du reblochon et de la betterave en même temps? Oui.
  4. Camille n'a t'elle pas mis de la vie dans cette cuisine? Si!
  5. Ai-je vécu un moment unique en ce matin du 20 avril 2020? Oui.
  6. La cuisine a t'elle brûlé? Non.
  7. Vois-je la vie en rose et les murs aussi? Oui!

Aucune raison donc de s'énerver et d'en vouloir à qui que ce soit. La Villa Médicis est vivante, et c'est quand même très sympathique.

Je vous laisse. Ce soir c'est encore Camille aux fourneaux. Omelette. Je vais aller voir ce qui se passe. Il ne faudrait pas que nous dérangions les pompiers pour rien. Déjà qu'on est grillés auprès de la Sécurité Civile...

Les contaminés du jour:

Edouard Philippe pour son exposé façon consultant EY ou PWC d'hier. Il faudrait juste lui dire qu'un peuple a besoin de vibrer. Pas de voir des "slides" Powerpoint qui ne font rêver personne.

Les morts du jour:

Monique Villemin qui vient de rejoindre Gregory, son petit fils. Elle pourra ainsi en arrivant au Ciel ouvrir le sac poubelle dans lequel il a été enfermé avant que d'être noyé pour l'embrasser tendrement. J'espère qu'elle est morte dans d'atroces souffrances respiratoires. Comme Gregory: justice serait en partie faite.

La citation du jour:

"Cette semaine, pour la première fois, nous avons réussi à importer 80 millions de masques, soit plus que ce que nous consommons en ce moment. » Edouard Philippe, Premier Ministre. Premièrement, il en manque encore 1920 millions. Bon courage. Deuxièmement: cela ne fait rêver personne. Troisièmement: on ne demande pas à un Premier Ministre de faire l'acheteur. Mais d'être premier Ministre. Je viens personnellement de réussir à acheter 100 000 masques pour nos équipes: est-ce que je m'en vante sur TF1? 

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