
C'est du Saint-Exupéry. On va en avoir besoin de grands hommes comme lui. Du coup, j'ai affiché une affiche extra dans ma maison, achetée lors de notre visite des plages du Débarquement avec Solenn il y a 3 semaines. Je ne sais pas si c'est virucide, mais c'est parfait pour rester éveillé en ces temps agités.
Nous sommes donc chacun une sentinelle; surtout Sébastien. Isolé dans le Sud-Ouest. Sans avoir le droit de se déguiser en canard pour faire coin-coin aux irresponsables qui sortent encore, ces résistants de pacotille à l'ordre actuel, et qui ne risquent rien eux-mêmes tout en mettant en danger les autres.
Je réactive donc la Gazette afin de chroniquer en ces temps de guerre (s'cuse mon Pierre, je sais que tu n'adhères pas à l'utilisation de ce vocable par notre Président, mais tu en comprendras le sens dans les semaines qui viennent!).
Au moment où j'écris ces lignes, je confine après une quatorzaine qui devrait s'achever ce jour si tout se passe exactement comme ce n'est pas prévu. Je rêvasse à la vue de ce bocal de canard confiné lui aussi dans sa graisse et qui devrait pouvoir nous préserver des pâtes quotidiennes.
Nous sommes 5, partageant nos microbes. Le papa et la maman, keuf-keuf, mais presque plus. Solenn, qui se confine dans le confinement. Pierre, qui a évacué Strasbourg avec ses carnets et son encre de Chine. Et Camille, une amie de Pierre que nous accueillons pour cause d'étroitesse appartementaire strasbourgeoise. Tom devrait nous rejoindre dans les prochains jours pour les mêmes raisons. Hector est là, penaud et puni après avoir croqué la jambe de Camille. La cohabitation s'annonce difficile! Camille a déboulé avec un pot de rillettes entamé mais presque plein. Des légumes dont une racine de raifort, beurk. Un paquet de knacks beurk aussi. Des fromages, avec leurs croûtes. Un céleri rave. 1 poireau asséché et divers restes plus ou moins comestibles.
Les soutes sont donc pleines pour la semaine, mais pas plus que d'habitude. Nous tâchons de rester d'honorables citoyens. 4 boîtes de sardines Connétable, c'est un léger surstock mais bon. 4 bouteilles de rosé Lucile, ça devrait nous préserver dans les temps difficiles à venir. Chez Pierre Schmidt, nous continuons de produire des saucisses et tartes flambées vaille que vaille, mais je ne sais pas combien de temps nous allons pouvoir tenir. La peur gagne du terrain, alimentée par un flot d'informations noires continues, même si nos équipes sur le terrain manifestent un courage et une volonté admirables pour tenir la barque. Il nous tarde, nous les quatorzainiens, de pouvoir les rejoindre.
La journée commence inlassablement par un passage à la boulangerie. Depuis ce matin, on n'y rentre plus que deux par deux. 4 baguettes plus une pour Marinette et Paul, nos voisins d'en face qui n'osent plus sortir (Paul à les poumons en vrac). Ce matin, c'est Dimanche. J'ai ajouté trois croissants. Marinette me remercie par courrier et me surnomme désormais Amazon. En mieux, puisque je livre quotidiennement. Et gratuitement. Par peur des postillons, les gens qui zézaient sont priés de rester à l'extérieur. Mais le commerce fonctionne. Deux boulangeries dans le village, c'est un vrai luxe à l'heure ou plusieurs d'entre-elles commencent à fermer progressivement. L'une d'entre elle impose un client à la fois dans la boutique et la queue se forme sur le trottoir du village, les gens à distance respectable les uns des autres: ouf!. La queue atteint l'entrée du cabinet médical du village: c'est super organisé! Dans quelques jours, elle fera jonction avec le centre mortuaire. Pouf pouf.
Ce matin, j'ai croisé notre médecin de village dans sa voiture. Il était déguisé en canard. Il fait donc partie des médecins chanceux qui disposent de cette protection virale. Zut, vitale. Mais avec toutes ces informations anxiogènes, on finit par s'emmêler le clavier. Les masques sont devenus rares et nous ne cessons de recevoir des appels au boulot du monde médical au sens large pour savoir si nous pouvons les dépanner en masques, tenues, gel, désinfectant... 30 appels pour la seule journée de vendredi: "Chaque sentinelle est responsable de tout l'Empire".
Relisons Saint-Exupéry. Nous aurons le temps.
1 commentaire:
une bouffée d'oxygène sans virus ...il était temps que t'y remettes :-)
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