La Gazette du Bernou: 04/13/20

13 avril 2020.

Lundi de Pâques. Confinés. C'est raviolis Buitoni. J'ai ai 512 boîtes dans les soutes après avoir pillé les 5 supermarchés les plus proches. Avec mes 235 rouleaux de PQ, on est parés pour faire fesse. Face.

Temps beau mais bôf et sec. Tout le monde vont bien. La boulangère et le médecin itou. Ah tiens, ils grossissent aussi. Et le docteur ressemble désormais au professeur Raoult, avec ses cheveux longs façon beatniks. Je ne sais pas si c'est rassurant ce mimétisme.

Pour s'occuper aujourd'hui, on a décidé de consacrer cette journée fériée de merde à fabriquer des masques. Nous sommes cinq, dont trois artistes et on a une machine à coudre, je ne parle pas d'Isa. On participe ainsi à l'effort de guerre tout en préparant le déconfinement.
J'ai une certaine expertise en matière de masques: cela fait 4 semaines que j'en achète aux bridés pour le boulot, mais à un euro l'unité, il vaut mieux faire soi-même. Et acheter chinois a toujours été une souffrance patriotique. Ce ne sont pas les jeunes qui démentiront.
Evidemment, nous, on va manufacturer des modèles homologués; pas comme ceux fabriqués en Bretagne par des bigoudènes sans scrupules ayant prélevé la coiffe sur les cadavres à peine refroidis de leurs grands-mères pour récupérer les dentelles et faire ainsi des économies. Les bigoudens c'est bien connu sont très radins.

Deux mots d'ordre avant de se lancer: faire avec ce que l'on a sous la main, ma souris de PC en l'occurence, et penser local si des achats sont nécessaires.

Masques filtrants

Le matériel adéquat:

1 boîte de filtres à café n°4 si possible de marque Melitta, homologués par le professeur Raoult, star mondiale de la Chloroquine bientôt en tournée dans tous les Zenith de France.
2 bottes d'asperges blanches d'Alsacerie ramassées par des chômistes et des étudiants volontaires pour aider nos agriculteurs (pas les nôtres d'étudiants: ils ont trop de boulot. Et ils sont artistes ne l'oublions pas).
1 agrafeuse, qu'il faut retrouver dans le bordel artistique de la maison depuis l'arrivée inopinée d'un squat dans la Villa Médicis de Breusch'.
3 artistes fauchés et inspirés, avec leurs encres, pinceaux, feutres, crayons et talents n'oublions pas le principal.

Elastiques pour masques

Le procédé, certifié par le professeur Raoult et les 5136589 français virologues qui pâmoisonnent à la vue du médecin star et réclament à corps et à cris la distribution massive de Nivaquine. Y compris d'éminents politiciens dont je tairais le nom, sans doute médecins, et dont on peut constater le très grand professionnalisme dans la préparation de notre pays à la situation d'aujourd'hui. Car s'il est vrai qu'ils ne sont pas présidents de la République, ils sont cependant souvent Présidents de villes, départements et régions dont l'impréparation n'a rien à envier à celle du pays. Personnellement, je préférerais une distribution massive de Côte de Brouilly ou de Saint-Nicolas de Bourgueuil, mais je ne suis pas vinologue. Avec un "r".

Procédons par étape, méthodiquement. L'industrialisation viendra plus tard.

Masques-filtres décorés par
Camille Meyer

Etape n°1: le filtre. On peut le personnaliser. Surtout avec 3 artistes à la maison. La totalité de la boîte y est passée avec toutes ces esquisses préalables, les ratés de la création et tout et tout. La création étant achevée, déplier le filtre et l'ajuster sur votre museau pour vérifier son étanchéité. Eviter d'éternuer à cause des pollens à ce moment là sinon il faut tout refaire. Et c'est plus de deux jours de travail pour les Picasso de la Villa Médicis, également pique-assiettes depuis plus de 4 semaines désormais.

Etape n°2: ôter les élastiques autour des bottes d'asperges d'Alsacerie. Réserver. Eplucher les asperges depuis la pointe jusqu'à l'autre extrémité. Récupérer les épluchures qu'on pourra brouter le soir même pour économiser les raviolis. Cuire 20 minutes à l'eau bouillante. Réserver au chaud. Préparer la vinaigrette façon Marianne: ail, échalotes, persil à gogo, oeufs durs écrasés, vinaigrette. C'est prêt! Ne surtout pas jeter les élastiques à la poubelle: c'est pour les récupérer qu'on bouffe des asperges. 10 boules la botte, ça nous fait 5 kwanzas l'élastoche en monnaie angolaise; c'est un peu cher mais c'est l'inconvénient du locavorisme.

Etape n°3. Tester les élastiques. S'en saisir avec précaution. Vérifier leur élasticité en envoyant en loucedé et après avoir enroulé l'élastique autour du pouce et de l'index, comme ça, une boule de mie de pain mâchée chez les voisins. De préférence ceux que l'on aime pas si l'on est positif au Covid. Ceci fait, et si la boulette a contaminé au moins une personne, on peut passer à l'étape n°4.

Etape n° 4: fixer les élastiques de chaque côté du masque au moyen d'une agrafe. Attention, l'opération doit être effectuée sur une table. J'ai personnellement essayé d'agrafer l'élastique avec le masque prépositionné sur mon groin et je me suis agrafé les oreilles. C'est certes la mode du piercing, mais ce n'est pas très réussi. Et c'est très douloureux. Aïe!
Etape 5: enfiler le masque. Si vos oreilles se rabattent brutalement et vous font ressembler au nain Simplet dans la Belle au Bois Dormant, c'est que les élastiques sont trop petits. Rachetez des asperges. Reprendre à l'étape n°1.

Japonais s'apprêtant à boire un
Kawa. Zaki c'est son nom.

A noter qu'en cette période de surdéveloppement de l'économie circulaire (définition; en période de confinement, quand tu tournes en rond dans ta maison pendant des semaines entières), et une fois utilisé, le filtre peut servir à préparer un délicieux café. A condition de n'avoir pas éternué. Le virus est certes dézingué à 63° en 3 minutes mais on n'est jamais trop prudent. L'expresso est virus-free. Parfait!

Bon, je vous laisse, je vais changer de masque et nous faire un kawa.
- Qui n'en veut? Atchaaaaaaaaaaaaa!
-...
- Zut, je n'ai plus de filtres!

Nescafé pour tout le monde donc.

Les contaminés du jour:

Le patron du Medef qu'on a pourtant connu plus inspiré et éclairé sur un tas de sujets mais qui vient d'allumer la mèche pour refoutre le bazar en France avec sa déclaration idiote et non concertée sur le travailler plus. Si la proposition tombe évidemment sous le sens (certains sont en vacances depuis 4 semaines), on peut regretter qu'après de nombreuses années passées sur les bancs des meilleures écoles, il ne soit pas plus doué pour travailler sur la forme. Et compte-tenu du niveau des français en matière d'économie, de la forme il en faut. Agir plutôt que s'épancher dans les journaux serait sans doute plus efficace. Déjà qu'on se cogne Joseph-Staline Martinez, Léon-Trotsky Mélenchon, Adolf-Marine Le Pen et Olivier Faure mais plus trop...

Les morts du jour:

Une partie de la concorde nationale voir ci-dessus. Mais continuons d'y travailler localement, c'est important.

La citation du jour

Plus on manifeste un désaccord sur le fond, plus on doit être attentif à la forme. Nicolas Sarkozy, dont le patron du Medef devrait s'inspirer.

Illustration de notre innovation du jour et quelques éléments comparatifs.

Réalisation graphique: Camille Meyer en monographie sur un filtre Melitta n°4 acheté 1.25 € chez Carouf. Camille étudie aux Arts Décoratifs de Strasbourg. C'est une pointure. Pierre étudie aussi dans cette même école. C'est aussi une pointure. 88 à eux deux (42 et 46), c'est énorme!
Réalisation du reste par Arnaud Tardif, chef des saucisses.
Photographie et montage: il eût été préférable que ce soit Gabriel Tardif, pointure également dans le domaine.
Critique: Solenn Tardif, pointure elle aussi dans son domaine (elle y réfléchit encore) et qui se demande encore pourquoi elle a un père commak.