vendredi 10 avril 2020

10 avril - Covid-19 - Trucs et astuces niveau 1. Se couper les cheveux

10 avril 2020.

A peine levés à 14 heures qu’on s’emmerde déjà. Pain, médecin, coin-coin, café et tout et tout. Tout le monde vont bien, cela nous fait une belle jambe. Vendredi saint Rien. En voilà un qui porte bien son nom.

Je vais faire comme les coiffeuses et les coiffeurs, je vais écrire pour ne rien dire. Et on va donc parler coiffure pour écrire.  Demain, ce sera épilation. Dimanche on va débattre capitons. Et lundi on fera une spéciale cellulite et vergetures.  

Le contexte : on commence tous à ressembler à des hommes ou des femmes de Cro-Magnon. Ou à des beatniks avec tous ses cheveux et tous ses poils qui ne pas confinés eux. L’emmerdant, c’est que tous les coiffeurs -merlans en argot- sont fermés. Pas la moindre écaille d’un Jean-Louis David à la ronde.  Pas la moindre arrête d’un Jean-Paul Kraemer. Tous beatniks donc. On revit dans les années 70. Quelques trucs et astuces donc pour vaincre cette poussée capillaire sans limite.

Le cadre. Nous nous rendons avec les passeports qui vont bien dans un petit village du jurançonais, au pied des Pyrénées. Bourgade qui vient d’élire un nouveau maire. Dans ce village, si le poissonnier reste ouvert, le merlan est fermé comme partout en France. Jeunes, vieux, la population est hirsute et quand tu parcoures les rues de la cité un verre de jurançon à la main, tu peux apercevoir de nombreux hippies masqués qui déambulent nonchalamment dans les ruelles du bled à la recherche qui d’une baguette de pain, qui d’une botte de radis, qui d’un gros boudin noir au piment d’Espelette. Ambiance walking dead. Seul l’ancien maire reste confiné, dépité par sa défaite cinglante aux dernières élections municipales. 

Dans ce village donc, et à l’abri du clocher de la vieille église désormais délaissée pour cause de virus vit une famille de 6 beatniks dont deux poules, pardon, et de deux poules ce qui nous fait 8 volatiles,  qui s’emmerdent comme nous tous et préoccupée par cette pousse capillaire non maîtrisée. Jamais à court d’idées dans son crâne quelque peu dégarni, le chef de famille décide d’ouvrir un salon de coiffure en plein air. Rien de compliqué me direz-vous : une tondeuse, des cisailles et un truc pour sécher. Matériel disponible dans la cabane au fond du jardin, là, et dans laquelle sont rangés tous les outils du jardinier. L’option glyphosate a été rejetée pour des raisons éminemment écologiques: merci Greta Truc. Et  pour ne pas ajouter à la pollution qui sévit dans la vallée pour cause de défaillance raieculrente de la fosse septique. Je ne vous fais un dessin. Le jardin derrière la bastide, on dirait les plages de Bretagnerie après le naufrage de l’Amoco Cadiz en 1978 près de Portsall, encore un bled qui porte bien son nom du coup.

Phase 1 : la coupe. Un premier cobaye est choisi dans la fratrie. Après un tirage au sort évidemment truqué – on dirait une partie de Risk entre cousins- c’est le plus jeune et donc préféré des parents qui est désigné d’office. Pleurs, cris, hurlements, il faut s’y mettre à plusieurs pour maîtriser la bête. Ceci fait, la tonte de printemps peut commencer. Quelques minutes plus tard le cobaye est coiffé. Il ne reste plus qu’à sécher la tignasse.
- Oui mais non ! Vous avez vu comment je suis coiffé ? C’est moche !
- Pas grave, on n’a pas le droit de sortir. Personne ne te verra. A part nous. 
-
- Ah oui, tu as raison, c’est moche à faire peur. Tu devrais te confiner dans ta chambre fraîchement repeinte!

Mais regardons plutôt les images choc de cette séance inédite. Attention, certaines scènes peuvent heurter la sensibilité des merlans.



Phase 2 : le séchage. Pas de sèche-cheveux dans la maison. Vent et soleil font habituellement l’affaire dans cette vallée au climat tempéré qui sied si bien aux ceps de vigne et aux champignons du même nom. Qu’à cela ne tienne. Le chef de famille, jardinier à ses heures perdues (il est spécialisé dans l’abattage des palmiers) se dirige vers son atelier pour y dénicher l’outil adéquat.

Mais regardons plutôt ces images choc elles aussi. Attention là encore à certaines images qui pourraient heurter la sensibilité des perruquiers. 


Une capacité d’adaptation de tous les instants donc. On peut aussi assurer un séchage collectif en alignant les clients afin de gagner du temps. Ce qui n’est pas indispensable dans ce moment de confinement. Ce n’est pas le temps qui nous manque. 

Les contaminés du jour.
  • Environ 50 000 personnes en Europe dont 12 coiffeurs et coiffeuses, mais parfois on ne fait pas trop la différence.

Les morts du jour.

Liliane Marchais, veuve de feu Georges Marchais, ancien PDG du parti communiste français dans les années 70 et 80. Elle vient de partir à 84 ans, mais on ne sait pas où, elle est évidemment athée. Liliane adhère au Parti Communiste Français en 1953 et à la CGT en 1954, jusqu’à sa mort hier. 60 ans de communisme environ donc, c’est énorme et très étonnant.  A sa décharge, elle était notoirement sourde et aveugle. Et muette aussi. Quelques éléments de preuve.
  • 1940 : Ses parents fêtent le pacte Germano-Soviétique en trinquant d’un bon verre de vin. Rouge évidemment. Liliane hésite : blanc ou rouge ? Hitler ou Staline ? Liberté ou dictature ? Elle consulte Georges, son futur mari volontaire STO pour aller travailler en Allemagne. Georges est heureux. Il sourit : Adolf est un grand ami de Joseph, son mentor. Liliane décide de s’engager à leurs côtés.
  • 1948 : Renversement du gouvernement démocratique de Tchécoslovaquie par les affidés de Staline. Liliane ne moufte pas et reste muette.
  • 1949 : blocus de Berlin par Staline. Qui ne dit mot consent. Elle se tait donc encore une fois.
  • 1956 : insurrection de Budapest contre le régime communiste. Toute jeune encartée, elle applaudit en langage des signes l’écrasement sanglant de la population par les tanks soviétiques. Sartre aussi.
  • 1968: printemps de Prague. Nouveau bain de sang. Sourde, elle n'entend pas les coups de feu visant de jeunes étudiants. Elle reprend deux fois des nouilles chinoises et reste encartée pour faire comme Sartre.
  • 1980: invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Elle passe l’aspirateur sans broncher. Ou l’éponge, je ne sais plus. Elle renouvelle son abonnement illimité à la CGT et au PCF.
  • 1989 : Tienanmen. Silence encore. Si ce n’est ce sourire en coin. Cela lui rappelle tellement ses jeunes années de bonheur, notamment les années 1956 et 1968. 
  • 1989:  la chute du Mur de Berlin. Elle retrouve subitement la vue, l'ouïe et la voix pour dénoncer cette fuite des allemands de l'Est vers la liberté et la diversité. Dépitée par ce courant d'air libéralisateur, elle file dans une maison de retraite en briques rouges, dans une banlieue huppée de Fontenay-sous-Bois, métro Stalingrad, place du Che Guevara. On ne se refait pas.
La citation du jour.

Entre des milliers de faillites et la dette, nous avons choisi la dette. Bruno Le Maire, ministre de l'économie (pas des économies, c'est bien dommage) de Francerie.  Nous aurons donc des milliers de faillites ET des milliards de dettes. Un parallèle avec cette célèbre phrase de Churchill en 1939: "Le gouvernement avait le choix entre la guerre et le déshonneur ; il a choisi le déshonneur et il aura la guerre. ». C'était quelques années avant le rideau de fer, tricoté par Liliane et ses coreligionnaires.