... Et de Philippe, avec retard. Et d’Edouard, c’est la bonne date. Et c’est au Bernou que cela se passe. Ah oui, je précise, on arrive juste au demi-siècle !
A comme Arnaud. Désolé,
j’suis arrivé le premier. Je le rappelle, car ça n’a pas toujours été évident. Visuellement
s’entend. C’est en effet seulement à 17 ans que j’ai dépassé ma sœur d’un
centimètre, après avoir réussi à lui piquer par ruse la dernière cuillère de
Nutella lors d’un goûter au Mesnil-Guillaume. Mais comme je suis bon joueur, et
que je refuse absolument toute idée de psychanalyse, je vais donc laisser la
place à Anne-Sophie, c’est quand même bien d’elle qu’il est question à
l’occasion de cette réunion de famille pillacoise marquant son premier
demi-siècle.
Anne-Sophie est un prénom
composé. Comme le nom Vergez-Pascal, nous y reviendrons. Composé de âne, mais sans accent et avec deux
« n » et de Sophie, du grec
ancien sophia, sagesse. Je crois que
mes parents ne parlaient pas le grec, mais bon. Alors à première vue, âne et
sagesse, cela ne va pas très bien ensemble. Mais en seconde vue (nous avons
dépassé les 50 printemps), c’est en fait pleinement compatible. Mes parents ont
d’ailleurs surnommé leur âne Socrate, et s’ils ne parlaient pas non plus le
grec ancien, ils conversaient souvent en latin, mais de cuisine : ego arrachum chicotum sophia (je me
suis fait enlever les dents de sagesse), disait Sophie dans un célèbre
texte latin de Petrus Deprojus, ou mes parents au sortir du dentiste iranien le
plus célèbre de Lisieux, qui répondait au doux patronyme de Tarkian, qui signifie
Tardif en perse antique, c’est étonnant.
Anne-Sophie est un prénom composé,
bis. Ce qui est très pratique quand les parents ne sont pas d’accord sur les
prénoms à donner à leur progéniture et que c’est le bordel dans le couple.
Visiblement, chez les Vergez-Pascal, ce n’est pas le bordel dans le
couple : ouf ! Il n’y a que des simples (je veux parler des prénoms,
pas de ceux qui les portent) et des saints : Thomas, Luc, Martin et Jean.
Je passe sur Marion. C’est en effet une fille et je n’en connais pas de
saintes.
B comme Bertrand. S’il
n’était celui de mon beau-frère favori (je n’en ai qu’un de première main, c’est
donc fastoche, mais pas tant que cela), je dirais que ce prénom frôle le
ridicule. Alors que mon beau-frère, pas du tout. Sauf quand il met son béret,
son marcel et ses espadrilles, mais c’est assez rare. Pour le marcel. Alors que
pour les espadrilles, c’est l’inverse, surtout lorsqu’elles viennent de
Mauléon. A noter toutefois qu’il porte parfois l’espadrille droite au pied
gauche et l’espadrille gauche au pied droit : c’est idiot, puisque que
contrairement au béret et à la vie, les espadrilles ont un sens. Bertrand séduisit
ma sœur dès son plus jeune âge grâce à son organe d’exception. Attention les
grivois, je vois des sourires graveleux apparaître sur vos visages : quand
j’évoque cet organe, j’évoque un truc vocal, quelle déception ! En effet,
entre autres qualités, Bertrand chante très bien et il semble avoir réussi à
transmettre ce talent à Marion, première enfant du couple, et sans doute
première cantatrice de la famille. Et aussi aux autres marmots je crois, mais
dans un style différent plutôt façon troisième mi-temps, moins habillé voire à
poil, et avec un soupçon de retenue en moins.
Chacun des 5 enfants de la tribu
a d’ailleurs été conçu sur un fond musical judicieusement choisi qu’Anne-Sophie
et Bertrand auront sans doute la gentillesse de nous interpréter, mais à la fin
de l’apéro, et sans joindre les gestes à la parole, passeque bon, tous les
enfants ne sont pas majeurs.
Bertrand est accessoirement le
mari préféré d’Anne-Sophie.
B comme Basket aussi. Car sans
basket, la vie d’Anne-Sophie, que dis-je, les vies de ma soeur n’eussent pas
été tout à fait les mêmes. Isa a tenu la comptabilité de cet investissement
hors normes : 12563 sandwichs beurrés. 15645 sandwichs engloutis par la
famille VP (y sont tellement gourmands qu’ils piquent parfois ceux des voisins),
dont trois frelatés avec vomito dans le minibus. 521 villes visitées, avec
notamment les stades, le McDo et les stations-services juste au bord de
l’autoroute, là. 564845215 km parcourus. 235 salles de sports fréquentées. 230
arbitres conspués. 6532 rendez-vous chez le médecin, kiné, ostéopathe, et tout
et tout. Heureusement, Marion n’a jamais joué au basket, sinon on aurait
dépassé les 20000 sandwichs !
C comme Conduite. Je ne
reviens pas sur l’épisode façon marronnier journalistique de l’encastrement de
la 104 Peugeot dans le mur du garage du Mesnil Guillaume. Je l’ai déjà raconté
dans l’abécédaire de Philippe Tardif et je tiens à recevoir mes émoluments pour
la présente commande. Je préfère évoquer la Conduite d’un Camping-Car familial
qui transporta la famille VP de Québec à Mar del Plata (j’en ai marre des pâtes en Espagnol, bicoze en camping-car, tu en
manges quotidiennement des pastas) traversant l’Amérique du Nord au Sud, avec
un passage en Colombie qui laissa des traces indélébiles, olé ! Une épopée
ce périple : à deux dans un camping-car, tu te marches dessus. Alors à 7
pendant 9 mois, je ne te fais pas un dessin : il suffit d’ouvrir une boîte
de sardines. Gaffe, pas des saloperies du Maroc rangées n’importe comment dans
les boîtes. Des Connétables de
Douarnenez, disposées en rangs serrés à la main depuis 1853.
C comme chant aussi : on
revient toujours sur les mêmes organes, c’est une obsession. Sans chant, la vie
d’Anne Sophie n’eût pas été la même : Isa a aussi tenu la comptabilité de
cet investissement hors normes : 12563 sandwichs beurrés. 15645 sandwichs
engloutis par la famille VP (y sont tellement gourmands qu’ils piquent parfois
ceux des voisins !). 521 villes visitées. 564845215 km parcourus. 235
salles de concert fréquentées. 23 chefs d’orchestre conspués. 6532 rendez-vous
chez le médecin, kiné, cordevocalologue et tout et tout. Heureusement que les 4 autres enfants n’ont
pas souhaité faire carrière dans la chanson lyrique, sinon on dépassait la
barre des 100000 sandwichs.
C comme Castafiore, célèbre
personnage de bédé et surnom affectueux de ma nièce favorite côté Tardif, car
j’en ai aussi côté pièce rapportée et je ne tiens pas à vivre ma première scène
de ménage à 51ans.
C comme cousins aussi, ces
espèces de moustiques malhabiles avec leurs pattes et leurs ailes trop grandes
qui font rien qu’à nous emmerder aux nuits étoilées de fin d’été, lorsque assis
sous le cèdre, nous écoutons religieusement le bruit métallique des machines à
trier les noix du voisin qui nous les casse aussi les noix… Ah merde, je me
suis égaré. Je reprends. Ces cousins aussi, cinquantenaires pour certains
d’entre-eux, capables de faire des centaines de kilomètres pour avaler un
morceau de foie gras, quelques asperges et quelques litres de Gégé, pardon, de
Juju, ce velours de la tronche rouge que l’on boit Uby et orbi certains soirs
d’anniversaires. Si la venue des cousins à huit pattes est désespérante, la
venue des cousins à deux pattes est revigorante.
D comme Dary. Je n’avais
rien sous la plume pour cette lettre. Comme y z’étaient là les Dary, passant inopinément
par le Bernou en rejoignant Alençon depuis la plage de Villerville (y z’ont
paumé leur GPS), je les ai couchés sur le texte et dans le gîte juste à côté (Gaffe,
dans ce gîte, ça gîte parfois et ce n’est pas Patrick Bideau qui démentira). Il
faut dire qu’ils sont toujours là à nos côtés dans les bons moments. Les
mauvais aussi ; il y en a heureusement beaucoup moins. Le plus fort, c’est
qu’avec eux, les mauvais moments deviennent moins mauvais. Et les bons moins
bons, pouf pouf, je déconne. C’est exactement l’inverse. D’ailleurs, je les ai
invités à mon enterrement dans 50 ans. C’est dire que je les apprécie. Tout
comme Gégé apprécie Juju. Mais que Brigitte soit rassurée, il ne s’agit que de
picrate.
E comme Eric, à
l’accent aigu près. Prénom de petit frère grand par la taille, mais moins que
moi, je suis quand même l’aîné de la fratrie. Le plus vieux quoi. Ce qui
signifie que je devrais mourir le premier si tout se passe bien. Eric a
toujours été le chouchou d’Anne-Sophie et j’en porte encore les stigmates
freudiens dans les tréfonds cachés de mon inconscient. Mais là encore, je
réfute toute idée de psychanalyse. Beaucoup trop cher pour s’écouter parler
allongé dans un canapé pendant que Freud est assoupi. Tardif par son arrivée,
il l’est aussi par certains traits de caractère comme ça, ça et ça. Ah oui,
tiens, ça aussi !
E comme eczéma. Espèce de gale
que les enfants d’Anne-Sophie ont réussi à refiler récemment à leur père, mais
seulement sur les joues. La vengeance est un plat qui se mange froid dit la dent
de sagesse populaire (chicotum populi
sophia). S’cuse, c’est très nul, mais moi, l’Uby, ça me fait le même effet
que l’absinthe chez Pierre quand il dessine un portrait.
F comme fosse septique.
Les fosses septiques, dans la famille, c’est une vraie saga. Et je crois que
c’est Anne-Sophie qui a hérité des talents familiaux en la matière. Matière que
je qualifierai de fécale afin de faire honneur à la digne lignée de l’humour
pipi-caca familial qui nous faisait beaucoup rire mais pas trop lors des
réunions familiales dominicales enfumées à Bretteville-sur-Odon.
Coquainvilliers : ça
débordait régulièrement sur le talus pentu qui menait à notre maison au toit de
chaume, avec des iris en faîtage ; ce n’est pas facile de les arroser.
-
C’est du
pétrole ? Questionnaient les invités en arrivant près de la chaumière.
- Nan, de la
merde. Qu’il disait mon père avec son short écossais, ses chaussures de
sécurité décaties, affairé qu’il était à résoudre ce problème de refoulement,
grâce à des techniques d’avant-garde qui permettaient de déboucher les chiottes
et de les repeindre simultanément. Il suffisait en effet de brancher un tuyau
de jardin sur le pot d’échappement de la 504 Peugeot bleue années 80, de
plonger l’extrémité du tuyau dans les gogues et de crier à Madou :
-
Vas-y ! Accélère !
-
Vroum !
Vroum ! Vrouuummm ! Splashhhhhhhhhhhhh !
En fait, les résultats étaient à
chier, s’cuse ça m’a échappé, c’était prévisible. Primo, les chiottes restaient
bouchées. Deuxio, elles étaient repeintes couleur caca, beurk. Tertio tu avais
l’impression de vivre au bord du périphérique à côté de Roissy avec toutes ses
effluves de kérozène dans la maison, keuf-keuf et re-keuf-keuf.
C’est grâce à mon paternel et sa technique d’avant-garde que le
ministère de l’économie de Valery Giscard D’Estaing inventa le slogan de merde : « En France, on n’a pas de pétrole,
mais on a des idées ! » lors du premier choc pétrolier des années
70.
Au Mesnil Guillaume, on balançait
tout dans l’Orbiquet (comme y’a des zécolos dans l’assemblée, je précise que ce
n’est pas vrai, mais que c’est juste pour la continuité de l’histoire).
-
C’est du
pétrole ?
-
Nan, de la
merde aussi. Mais ça nourrit les poissons. Et ça fait chier les voisins, c’est
la cas(ca) de le dire.
Au Bernou, le système a ses
limites aussi, et parfois, ça déborde dans la cave.
-
Bonjour
Monsieur Dupont. Vous pouvez venir pomper ?
-
Z’avez
trouvé du pétrole sous le cèdre ?
-
Nan, de la
merde. Mais sous la chambre de la marquise.
-
Ah ? Elle
n’est pas étanche ?
-
La
Marquise ?
-
Nan, la
fosse !
-
Bon ben
j’arrive alors.
Et bien à Monein, c’est pareil. Je
t’explique en deux mots. Anne-Sophie et Bertrand achètent une cabane habitable.
Comme il n’y a pas de fosse septique, ils investissent 15000 balles dans une micro-station
d’épuration. 1an après, c’est le désastre. Paul, le gentil voisin attentionné arrive
un jour en courant.
-
Eh les zamis !
Après Lacq et son gaz, Monein et son pétrole ! Venez voir, j’ai trouvé un
gisement juste en dessous de chez vous !
-
Ce n’est
pas du pétrole, Paul, c’est de la merde. La notre. Notre station d’épuration est
en rideau.
-
Ah
merde !
-
Tu l’as
fait exprès ? J’aime pas ton humour ! Qu’elle électrise, ma sœur.
-
Tu fais
ch… Ah zut, Anne-So… S’cuse, mais c’est vrai que ce n’est pas le moment. Taka
planter des avocats ! Cela va t’aider.
-
Tétrokon,
Paul ! J’espère juste que l’avocat ne va pas nous planter.
G comme Guitare :
espèce de cithare avec un manche et des cordes qu’Anne-Sophie a pratiqué de
nombreuses années. Il faut dire que cet instrument lui ressemble. Sèche
parfois, et électrique parfois aussi. Et parfois, ce n’est pas souvent :
ouf !
H comme horaire. Indicateur
des heures de départ, de passage et d’arrivée des chemins de fer, bateaux ou
autres services de transport d’Anne-Sophie et sa tribu. A l’heure qu’il est
en ce jeudi précédent de 48 heures l’anniversaire, on a les horaires
suivants : Anne-Sophie arrive à poitié de Moitiers. Zut, à moitié de Poitiers
avec Martin pour le dîner à 23h30. Mais ils auront diné. Ou pas. Bertrand est
avec Jean, qui arrivera pour le goûter à 4 heures, mais du matin. Ils auront
peut-être diné. Ou pas. Marion finit de coller son papier-peint à Paris,
rejoint Thomas en Lozère en canoë, récupère Luc à Bordeaux via la Dordogne et
nous rejoint par la Dronne à Aubeterre. Arrivée prévue cette nuit, si les
barrages sur le Dronne sont ouverts. Ils auront becqueté, c’est sûr : y’a
Thomas dans le groupe.
En général, quand on attend ma
sœur, on l’appelle. Pour confirmer notamment l’horaire d’arrivée.
-
Anne-So ?
-
J’arrive !
Et elle raccroche. Précision non
faite des trois éléments suivants : lieu, date et heure. Je tiens à
préciser qu’il ne s’agit pas d’une légende familiale, mais de faits rapportés
très récemment par un ou plusieurs des enfants de la tribu que je ne dénoncerai
jamais. Sauf pour un verre supplémentaire de Jurançon.
H comme Harry Potter. Espèce de
magicien de merde, dont le tour le plus connu consiste à tenir éveillé moi-même toute la nuit grâce à une saloperie
de chiée de merde de musique lancinante et répétitive que tu finis par
connaître par chœur, c’est exprès la faute puisqu’il s’agit de musique.
I comme Immobilier.
Anne-Sophie travaille dans l’immobilier. En même temps qu’elle s’occupe de 5
enfants, d’un mari, de trois poules, qu’elle repeint une maison, qu’elle
euthanasie mais dans la joie des petits vieux en les faisant grimper à 2500
mètres d’altitude dans les Pyrénées, elle trouve le temps de s’occuper de la
gestion locative de l’agence immobilière de Monein (Maisons du Béarn). En
général, les agences sont du côté des riches propriétaires qui rechignent à
repeindre les chiottes entre chaque locataire, surtout s’ils sont sur le palier
(les gogues, pas les locataires ! Enfin quand ils ne sont pas Pierre, mon
fils artiste, locataire fauché qui vit un jour sa porte se refermer derrière
lui, avec, les clés de l’autre côté de la porte. Ce qui lui a coûté au bas mot
1500 euros, soit 3 mois de loyer, c’est une paille. Du coup, Pierre et les chiottes
étaient sur le palier, et nous presque sur la paille). Ben Anne-Sophie, c’est
l’inverse. Elle prend systématiquement fait et cause pour les chiottes, zut,
pour les locataires, face à d’arrogants et mesquins propriétaires qui financent
leur retraite sur le dos de jeunes ouvriers précaires. C’est sans doute son côté chrétien qui
ressort. Du coup, les locataires du coin ont rebaptisé l’agence « Chez Robin
des Bois en Béarn ».
J’ai pensé à I comme immobile,
mais ça ne collait pas du tout.
J comme Jean. Prénom du
dernier marmot de la fratrie. C’est dire que c’est forcément le préféré, comme
dans toutes les familles normales. Et que tous les autres en sont jaloux, comme
dans toutes les familles normales. Jean a failli s’appeler Jeanjean. Sans trait
d’union, car je rappelle que les prénoms composés sont réservés aux couples en
voie de séparation. Non. Jean l’a échappé belle. Il est effet de tradition de
donner aux enfants le prénom des aïeux. Dans le cas présent, on a à ma droite un
grand-père se prénommant Jean (avec Léon attaché) et à droite encore (le
dernier communiste de la famille est mort d’une crise cardiaque en même temps
que le statut des cheminots), un arrière-grand-père s’appelant Jean. Ce qui donne
Jeanjean en premier choix si l’on tient à ne froisser personne. Heureusement,
le préposé de l’état civil était bègue, ce qui le conduisit à écrire Jean sur
le registre. Ouf !
Jean est un des enfants favoris
d’Anne-Sophie, si ce n’est LE favori. Tout ça parce qu’il est arrivé tardivement
si j’ose écrire. J’espère que tout le monde a compris.
J comme Jeanne, qui fut
à Anne-Sophie une sorte de grand-mère supplémentaire. Jeanne était chrétienne,
mais pour de vrai. Elle en témoignait au quotidien et en toute discrétion. Elle
épousa un Notaire à particule qui oublia de la coucher. Sur son testament je
précise. Pour le reste je n’en sais rien.
K comme … Pas facile le
K, même si ma soeur en est un. J’ai failli kk, mais bon, je n’ai pas que des gènes
Tardif. Du coup, j’ai choisi Kouglof, cette espèce de gâteau alsacien en forme
de canelé bordelais, plus gros, plus gras et plus tout. En Alsacerie, kouglof
s’écrit kougelhopf, que tu dois éviter de dire la bouche pleine si tu n’es pas
nazi.
L comme Luc. Prénom
porté par le troisième enfant qu’il vaut mieux ne pas prononcer à l’envers,
restons polis. Surtout quand on porte un nom comme Vergez-Pascal, mais avec un
Z, sinon, c’est hot. Luc est le seul de la fratrie qui semble s’orienter vers
un métier normal, ce qui devrait lui permettre de subvenir aux besoins des
quatre zautres artisses, et Dieu sait
si ces besoins sont colossaux, surtout en protéines et en calories. Et en
diamants, mais seulement pour la Castafiore.
Les copines de Luc s’appellent en
général Chemise : on dit en effet de bons amis inséparables qu’ils sont copains comme Luc (mais en
verlan) et Chemise. En l’occurrence, la copine de notre Luc ne s’appelle
pas Chemise, c’est nul. Il paraît qu’Albane, c’est commak qu’elle s’appelle, c’est
aussi un prénom alors que je croyais que c’était un pays, capitale Tirana. Il faudra que je revisite ma mappemonde
(espèce de truc rond représentant la terre, avec la France juste au milieu de
tout le reste avant que Google Maps n’apparaisse dans nos smartphones). Ils sont
copains comme Luc et Albane : avouez que ce n’est pas terrible comme
expression.
Luc est également un des enfants
préférés de ma sœur.
M comme Marion. Et comme Martin.
Là, c’est le bordel. Deux enfants portent un prénom commençant par un M. Je
n’ai pas été assez payé pour écrire deux textes. Je vais donc évoquer l’enfant
préféré d’Anne-Sophie, quitte à provoquer un déchirement familial, avec
envolées façon Castafiore pour Marion, cris façon public de basket lors d’un match
Pau/Strasbourgsheim pour Martin et tout et tout.
Je vais donc parler de Mar. Mar
est un enfant remarquable, féru de basket et de chant lyrique, c’est étonnant.
Imagine t’on LeBron James vocaliser façon Philippe Jaroussky ou James Bowman en
tentant un donk ? Imagine t’on la Callas ou Barbara (celle qui chante, la
Hendricks, pas celle qui donne envie de se jeter sous le TER à Montmoreau avec
ses habits noirs de corbeaux) mettre un panier à trois points avec ses talons
aiguilles et sa robe en satin de soie ? Et ben pour Mar, c’est fastoche.
Marion et Martin sont deux des
enfants préférés de ma sœur.
M comme Monein aussi. Monein,
c’est plus subtil qu’il n’y paraît question prononciation, surtout si tu
souhaites passer pour un béarnais, un vrai, avec béret, espadrilles, makila,
piment d’Espelette dans les narines et tout et tout. La technique est la
suivante : tu serres les fesses sur la syllabe nein pour provoquer la contraction des zygomatiques et nasaliser
ainsi le fameux son nein. Fastoche.
La seule difficulté est de serrer les deux fesses en même temps, et au bon moment,
sans avoir l’air constipé. C’est atteint par des coliques frénétiques un jour
de gastro que j’ai réussi à prononcer Monein comme Jean. Breuschwickersheim a
contrario est imprononçable avec l’accent du sud quel que soit l’état de ta
flore intestinale.
N comme Nadine. Prénom
de mère, à condition de s’appeler Croigié, de se marier avec un Tardif et
d’avoir trois beaux enfants, surtout le premier. Qui ont tous parfaitement
réussi dans la vie : un fabricant de saucisse, une concierge en HLM et un
chef de projet en projets projetés. Les
Nadine n’en font qu’à leur tête, c’est génétique. Et la génétique a traversé
les générations, notamment pour les chromosomes féminins.
O comme Opéra. Célèbre
pâtisserie française inventée au siècle dernier et qu’il est difficile d’avaler
en chantant La Passion selon Saint-Mathieu de Bach à l’Opéra. Ou alors le chant
en question ressemble à de la musique dodécaphonique ou sérielle, le truc à la
mode dans les salons branchouilles des mégapoles boboïsées. Sans compter les
postillons qui giclent sur le public, postillons de ganache en chocolat certes,
mais tout de même. Anne-Sophie n’avait jamais écouté d’Opéra jusqu’à ce que
Marion ne se découvre un talent de soprarnaud
hors pair sous la douche, interprétant la célèbre chanson de Francis Rhône-Poulenc :
« Mais où est donc passé mon
savon au lait d’ânesse et d’amande douce?
Cot cot codec !
Mon Dieu, Mon Dieu, je veux garder une peau
douce !
Cot cot codec ! Cot cot codec !». (Bis,
au moins trois fois)
Personnellement, je préfère
l’Opéra comestible à l’Opéra, contrairement à ma belle maman qui aime les deux,
surtout l’Opéra.
P comme Père :
c’est quand il est absent qu’on se rend compte que c’est quelqu’un d’important.
On peut très bien s’en passer, à condition d’avoir une mère infirmière à
domicile, et têtue comme un Socrate. Face à notre père, qui est aux cieux, que
ton nom soit sanctifié, que ton règne… Ah merde, c’est un réflexe avec toute
cette éducation judéo-chrétienne qui m’imprègne depuis toutes ces années. Face à notre Père donc, Anne-Sophie jouait
plutôt de la guitare électrique. Et des étincelles il y en a eu ! Nous
l’évoquerons à la lettre S. Question suspense, Hitchcock n’a qu’à bien se
tenir.
Q comme Quittance :
document permettant de certifier le paiement d’un loyer à un propriétaire
mesquin. Désolé, c’est tout ce que j’ai trouvé pour cette lettre magnifique,
qui est aussi un diminutif du prénom de Luc, mais en verlan.
R comme randonnée.
Anne-Sophie est une adepte de la marche, notamment en montagne, qu’elle
parcourt entourée de petits vieux qui meurent à tour de bras dans les dénivelés
abrupts des Pyrénées, hués par les marmottes, conspués par les ours, les yeux
brûlés par le soleil et la gorge brûlée aussi mais par l’Irouléguy contenu dans
les gourdes qui devraient normalement contenir de l’eau, l’estomac débordant de
terrines et de pâtés maison. Du coup, et
avec une telle technique, ma sœur fut convoquée en 2015 comme juré lors du
procès du célèbre médecin euthanasiste Bonnemaison à Pau ou elle a pu faire
part de son expérience pour supprimer les belles-mères.
S comme Sierra Leone. Pays
africain peuplé de noirs noirs, voire très noirs, et traversé par des rivières
sur lesquelles naviguent des bateaux de touristes conduits par des Anne-Sophie à
peine majeures. Mon père avait dit oui au départ de sa fille pour cette
expédition de quelques mois : je me demande encore comment c’est possible.
D’autant qu’à l’époque, les moyens de communication étaient :
·
La carte postale, qui devait mettre 1 mois à
parvenir en France, à une époque où Macron n’avait pas encore remis en cause le
statut des postiers, c’est dire.
·
Le téléphone fixe, avec un fil. Autant te dire
qu’au milieu du fleuve Congo, ça ne marche pas, avec tous ces crocos qui
s’emmêlent les canines dans les câbles après avoir croqué deux ou trois enfants
qui canotaient par là pour aller à l’école.
·
Le cacatoès voyageu’, sorte de pigeon voyageur africain
en plus beau, mais sans aucun sens de l’orientation.
·
Le tam-tam, mais passé le Sénégal, tu n’entends
plus rien.
·
La fumée des feux façon sioux, mais pendant la
saison des pluies, tu oublies.
C’est juste après cette croisière
que ce doux pays sombra dans une guerre civile (c’est-à-dire sans plus aucune civilité)
féroce, sans que l’on ne sache jamais si c’est la présence d’Anne-Sophie qui
déclencha cette guerre avec sa guitare électrique.
Il n’est pas question que Solenn
prenne un jour le train seule pour aller en Sierra Leone.
T comme Thomas. C’est assez peu répandu ce prénom : heureusement !
On en a connu des Saints, mais çui-ci, ce n’est pas sûr. Sauf à considérer que
les saints peuvent rire toute la journée, en prenant les choses au sérieux,
parfois, mais sans jamais se prendre au sérieux. Les Thomas mangent comme
quatre, voire comme 16 quand ses 12 autres voisins de table ne surveillent pas
leur assiette. C’est ce qui vient de m’arriver avec la mayo ce midi ! On a
connu Dupont Lajoie, incarné dans un film célèbre par Jean Carmet. On devrait
bientôt apprendre à connaître Toto La Joie, célèbre animateur en tous genres et
intermittent des études, enfin si Bertrand ne met son véto à une vocation
évidente, et finançable par Luc à condition qu’il se dépêche de devenir
ambassadeur en Yougoslavie ou au Dahomey, j’suis trop fort en
histoire-géo ! Ah oui, le précise que Thomas a été conçu sur l’Ode à la
Joie de Ludwig von Bitovent. Ceci explique peut-être cela. Le féminin de Thomas
est Tomate, fruit rouge et comestible s’il n’est pas cultivé sous serre. Les
Thomas quant à eux ne rougissent jamais, même quand ils sont surpris dans des
situations grotesques. Heureusement, car il paraît que c’est fréquent.
Thomas est un des enfants
préférés de ma sœur.
T comme trancheur à jambon dont
Anne-Sophie et Bertrand ne se séparent jamais. C’est ridicule. Mais utile pour
préparer les sandwichs du basket et de l’opérette. Et accessoirement pour me
faire plaisir.
V comme Vergez-Pascal.
Nom composé de verge, organe pas
vocal et Pascal, comme le prénom. C’est
le patronyme d’Anne-Sophie depuis son mariage avec Bertrand. Evidemment, le nom
Verge a été transformé pour éviter les quolibets franchouillards du
genre :
- - Salut
Bertrand Zizi-Pascal !
Un Z a en effet été ajouté (pas à
zizi, y’en a dèjà deux. A verge), ce qui rend le nom beaucoup plus acceptable. C’est
beaucoup plus joli que Tardif. Il semble que cette évolution du vocable ait été
demandée en urgence par la famille de Bertrand lorsqu’il annonça son mariage
avec ma sœur. Ils avaient en effet eu vent de notre goût pour une forme
d’humour façon carabins. Ils ont bien fait.
Bon, là, on attaque les lettres
spéciales scrabble, et il est assez difficile de sourire, voire de rire en
jouant à ce jeu. Ce sera pareil pour les textes à suivre.
W comme Water Closet :
voir fosse septique. Traduire par « Plus
de fosse, les WC sont fermés » en anglais littéraire mais pas trop.
X comme Xylophène :
produit insecticide avec lequel Anne-Sophie badigeonne les poutres de sa
vieille bâtisse de Monein, je serre les fesses pour la prononciation, afin
d’éviter l’arrivée des termites attirés qu’ils sont par l’humidité drainée par
la fosse septique défaillante.
Y comme «Y sont pas là ».
Les absents ont toujours tort. Mais grâce à eux on aura plus de foie gras.
Z comme Zizi-Pascal que
j’évoquais à la lettre V. C’est ce que l’on appelle le comique de répétition.
Ou les prémices d’Alzheimer. Et pour un
final de cinquantenaire, Alzheimer, c’est parfait.
Un frère anonyme.