mercredi 19 mai 2010

Au nom du père Jacky Bocquier

Mai 2010, quelques heures avant l'Ascension. Accident. Jacky se tue en bagnole. Ascenseur pour le paradis. Brutal et direct. 55 ans. Alors bon, je quitte la maison dimanche soir pour assister aux obsèques à Ruffec. Vroum-vroum. Embouteillages. Je décide de couper par la Bretagne centre. 3 heures pour arriver à Nantes au lieu de 2; mon légendaire sens de l'orientation a encore frappé; Arrêt McDo à Nantes. 2500 calories. Vroum Vroum. Hôtel Première Classe à Niort. La classe. Carte bancaire. Minutes interminables. La carte sort. Message: "carte illisible, veuillez dormir dans votre Fiat 500". Je retente la carte, ça marche; je récupère mon code d'accès à 27 chiffres que quand tu le tapes, tu peux jamais réussir du premier coup, surtout à 23 heures, quand t'es nase. Alors bon, je le tape au moins 5 fois avant d'entendre, soulagement, le clic signifiant l'ouverture la porte. Clic, donc. J'entre. La classe! De première! La chambre fait 8 M2, salle de bain comprise. Le lit double est conçu pour des nains de jardin. Je pose mon sac; sur le bureau, passeque si tu le poses par terre, t'es coincé. BOUM! J'me cogne une première fois dans le support télé accroché au mur. La classe. Chié!. Salle de bain. Alors là, c'est spectaculaire; dans moins d'1 M2, t'as: douche, lavabo et gogues! Tu peux tout faire en même temps. Démonstration: tu t'assoies sur les gogues et t'allonges les pieds; tu ouvres le robinet pour te laver les extrémités; ça marche. T'allonges le bras, t'attrapes la brosse à dents: ça marche encore. Génial. Alors bon, la douche est si petite, que quand tu fermes le rideau de douche, ça fait ventouse et le rideau, ce con, y vient se coller à toi. La classe. De première. En plus, la douche-lavabo-chiottes, c'est une cabine hermétique. Alors quand tu prends une douche chaude, ça fait sauna. Tu vois plus rien. Alors quand tu fais les trois en même temps, gaffe aux inversions: éviter de s'asseoir dans le lavabo et de se laver les dents dans les chiottes. Je sors de la cabine pour me sécher, car dans la cabine, si tu tends les bras, t'es chez le voisin. Re-Boum dans le support télé. Chié! Je me couche. En diagonale, passeque les nains de jardins, c'est court sur pattes. Alors bon. Réveil 6h30. Salle de bain avec rideau qui colle et séance de sauna. Petit déj. La classe: café genre le Bernou, ça réveille. On a piqué cette nuit le poisson rouge de la gérante. L'enquête est menée. Je suis interrogé: moi qu'aime pas causer le matin, j'suis servi. Ah non finalement, chez Première Classe, c'est toi qui te sert. Alors bon. Départ pour Ruffec. Arrivée à 9h15. Je trouve l'église; il y a déjà du monde! Je m'apprête à me garer près de l'église, des places sont libres. Un mec du service d'ordre en gilet fluo s'avance; j'ouvre ma vitre: "vous êtes séminariste ou prêtre? Les places leur sont réservées...". C'est la première fois qu'on le la fait. Faut dire que je sors de chez le merlan, et qu'avec ma tonsure du milieu de crâne, ça cause... En plus, avec ma Fiat 500 noire, y doit me prendre pour Don Camillo. Je lui dit que non, et tout et tout, mais que je viens de loin et patati et patata... Il opine du chef et je me gare. Du monde déjà. Cérémonie dans 1h30. des écrans sont installés en extérieur. Il fait froid. Clope. Du monde arrive encore.
A proximité de l'église, des gens entrent dans une petite maison. C'est la chambre funéraire. J'y go. Y sont là les Bocquier. Jacky est là. Il est mort. Allongé, l'air apaisé, mais mort. Bon, c'est qu'une enveloppe, mais ça retourne un peu. Les couleurs du visage sont pas les mêmes que dans la vie. Ca tire sur le sépia. Je m'approche et lui touche la main. Froide. Je claque la bise à Jean-Paul, Sylvie, Nicole et son papa. Tu sais pas quoi dire: le foot, c'est pas le moment; l'agriculture non plus. Alors bon tu sors un truc du genre c'était quelqu'un de bien, et tu sors en courant, passeque là, vraiment, tu sais pas quoi faire pour apporter un tant soit peu de réconfort.
Je sors Le parvis se remplit d'une foule bigarrée. Le corps est porté vers l'église, suivi par la famille. Dominique semble anéanti. C'est violent. Alors bon, on entre dans l'église. Archi pleine. 2 à 3000 personnes sans doute. Très belle cérémonie. On a eu: Evêque, corps constitués (gendarmes, pompiers...) 20 à 30 prêtres ou diacres, jolis chants avec orgue et chorale juste, beaux textes et un sermon de l'Evêque au top. Et là, on comprend mieux la présence de tant de monde, d'horizons si divers. Au top, le sermon. Au top le Jacky. Cultivateur de la relation. Vraiment très bien.
Alors bon, le truc rigolo, c'est quand l'Evêque, y cause du père Jacky. Le père Jacky, ça le fait pas. Moi, Jacky, ça me fait penser à Jackie Sardou, à Jacky classé Ikx. Alors bon. Le père Jean, ça le fait. Le père Chrysostome, ça le fait aussi. Le père Jacques, ou Paul ou Benoît ou Claude, OK, ça le fait. Mais le père Jacky, ça le fait pas. Ah, si finalement, ça le fait bien, passeque quand t'y penses, le Jacky, humainement, c'est du lourd.
L'Evêque retrace donc la vie de Jacky: naissance et jeunesse à Pillac. Certificat d'études, CAP, artisan peintre et BOUM!, le support de la télé, chié, pardon, la vocation. Séminaire et tout et tout et ordination à la fin des années 80. On comprend la richesse du bonhomme et sa grande ouverture aux autres. Très bel hommage. Alors bon, chant, eucharistie (durée: 20 minutes avec 8 prêtre distributeurs...). Séance de cors de chasse (Jacky était chasseur, et son équipage lui rend hommage). Pouuuêttttt! Bénédiction du corps: je sèche pour rejoindre le Bernou et me joindre à la cérémonie de Pillac. Il est 12h45.
Vroum Vroum. Arrêt MCDO à Angoulème. 2500 calories. Arrivée Pillac. La rue vers le village est barrée... C'est dire. Détour par le Bernou. La maison est quasiment ouverte; Madou a oublié de fermer un volet. Note que la technique peut décourager les voleurs: les mecs, y sont tellement surpris de trouver la baraque ouverte, et ben y's'cassent. Y pensent que c'est un piège. Je ferme ce qui est ouvert, et gagne Pillac. On attend le père Jacky. Je cause avec Lucien Auguste et Madame. 15heures: le cortège arrive. Coup de goupillon devant l'église, sous un beau ciel bleu. Re-cors de chasse; Pouuuuuuêttttt! Y commencent à nous les briser menu les chasseurs... Procession à pied vers le cimetière; un monde fou. Dans la montée, les vieux et les éclopés sont largués: je gagne 100 places. Cimetière: prières, chants, bénédiction et re-coups de goupillon. Re-cors de chasse: Pouuuuêtttttt! Y sont terribles ces chasseurs... 45 minutes de goupillon... Il est 16h30, on quitte le cimetière.
Bernou, balade rapide; les orchidées sauvages sont fleuries. J'suis sûr qu'il connaissait le nom de ces fleurs. Je coupe une branche de cèdre pour aller la déposer sur la tombe. Je regagne le cimetière, bonjour aux grands parents, coup de flotte aux fleurs. Il me semble que Mamie me dit qu'elle aurait préféré un coup de rouge, mais bon, je dois rêver. Je vais vers la tombe du père Jacky. Y'a deux croque-morts qui finissent de fermer le caveau. La tombe est couverte de dizaines de bouquets de fleurs. Alors bon, ma branche de cèdre....
Alors bon, prière rapide et je me dis que Jacky, le père Jacky, il a eu une belle vie. Et puis surtout, Jacky, la vie, il a réussi à la rendre plus belle à un paquet de monde.
Ah, oui, le matin, il faisait gris et froid; à la sortie de messe, le ciel était dégagé, et le soleil était là. C'est peut-être juste une coïncidence, mais bon, il fallait le noter. Alors bon. Dieu n'était sans doute pas très loin.
Amen.