dimanche 15 octobre 2023

A Anne-Sophie, ma très chère soeur, en ce mois d'octobre 2023

A ma chère sœur.

Il y a 5 ans environ, j’avais écrit un texte en forme de portrait à Anne-Sophie à l’occasion de ses cinquante ans. Je l’avais fait sous forme d’un abécédaire et avais dû faire preuve d’un grand esprit de concision  car avec seulement 26 lettres, il n’avait pas été facile de lui dire toute ma fraternité. (Pour relire le texte: Anniversaire d'Anne-Sophie, août 2018 )

En ce jour d’émotions, et pour ne pas être contraint par le caractère fini de notre alphabet, je vais tenter par quelques chiffres de lui rendre un petit hommage à ma façon.

Anne Sophie, c’est 55 années, ou 20075 jours ou 481800 heures passées à nos côtés. Parents et Grands-parents, frères, mari et enfants, famille, amis et connaissances. 55 années d’une présence extraordinaire, joyeuse, pleinement vivante. Je croyais ma sœur immortelle et je nous voyais claudiquer jusqu’à cent ans, entourés de nos nombreux enfants, petits-enfants et arrières-petits- enfants respectifs, cuisant des kilos de pastas  carbo pour sustenter ces nouvelles pousses. 55 années de vie d’Anne-Sophie, c’est très peu, mais ça vaut au moins 110 années d’une vie plus classique.

Anne So, c’est au commencement 4 grands parents, tendrement aimés et chez lesquels elle a puisé son amour de la vie et sa gaieté (Lucile. Lire le Petit dictionnaire de la belle vie de Lucile Croigié-Bécart), un caractère bien trempé et un esprit combatif (Edouard), un altruisme et un engagement aux autres (Jean), le souci permanent de faire plaisirs aux siens (Yvonne). J’ajouterai Jeanne, une troisième grand-mère dont elle prît grand soin dans une complicité bienveillante.

C’est par ses deux parents, Nadine et Philippe (Pour lire: Abécédaire de Philippe), ce dernier trop tôt et brusquement disparu qu’Anne-Sophie prît corps. Et esprit aussi. Des parents dont les traits et qualité ont infusé aussi chez ma sœur, au sein d’un cadre familial dans laquelle elle rayonnait et prenait toute sa place, encadrée tant bien que mal par un petit et un grand frère. Des étincelles parfois, je m’en rappelle encore, c’était aussi sa façon à elle d’être étincelante.

1 mari, Bertrand, et une belle histoire d’Amour. Les deux se portant l’un l’autre dans les moments de joie, il y en a eu de très nombreux, et les moments plus difficiles notamment ces deux dernières années. Je ne dirai rien d’autre que son très beau regard et son sourire lorsque j’évoquais avec elle Bertrand lors de nos adieux. Le bon Monsieur Lachenal, professeur de Mathématiques à Frémont à Lisieux nous apprenait qu’1 + 1 = 2.  Il arrive que 1+1 ne fassent qu’un. Je crois que nous en avons une belle démonstration.

5 enfants : Marion, Thomas, Luc, Martin et Jean, qu’elle a portés tendrement au sens propre et au sens figuré, avant qu’ils ne la portent à leur tour ces derniers mois. Ces 5 enfants, c’est au bas mot 356875 câlins et tendres baisers d’un amour maternel de tous les instants ; ce qui nous fait une moyenne stratosphérique de 20 câlins quotidiens à raison de 4 par jour et par enfant si mes calculs sont exacts. Mr Lachenal pourra bien brandir ses théorèmes abscons, mais là encore, il est désormais prouvé que 2+5 peuvent faire 1 et non pas 7.

AnneSo, c’est 4 continents visités. L’inde, comme premier voyage initiatique alors qu’elle était toute jeune encore avec une ou plusieurs amies. L’Afrique ensuite, en Sierra Leone, où elle partit sur une coque de noix improbable, contre l’avis il me semble de nos parents qui finirent par céder (elle savait être très persuasive, et n’en faisait qu’à sa tête) et où elle vécut des aventures incroyables qui nous firent tous trembler rétrospectivement.  L’ Amérique, avec sa tribu qu’elle parcourut dans une roulotte exiguë mais ouverte sur la Nature et les gens rencontrés. Et l’Europe aussi, de Lisieux à Monein, en passant par le Perche et Niort et quelques escapades dans plusieurs pays. L’Afrique encore, par procuration avec le séjour récent de Thomas en Angola.

AnneSo, c’est 237 locataires et propriétaires, dont elle s’occupait (c’était son métier), toujours disponible et soucieuse de défendre les intérêts parfois divergents des uns et des autres, animée par un esprit d’équité et de justice profondément ancré en elle. Râlant aussi, elle savait faire, en de rares circonstances lorsque tout ne se passait pas selon l’intérêt général.

C’est 33 petits retraités comme elle les appelait tendrement, qu’elle emmenait crapahuter dans les belles vallées avoisinantes, dans la joie et la bonne humeur, et un peu en chansons je crois ; les sustentant à la pause non pas d’eau d’Ogeu, mais de vins de Jurançon, de terrines, jambons et fromage du cru, profitant de ces beaux paysages qu’elle affectionnait, les encourageant à se dépasser et à profiter de ces beaux moments de partage sur ces sentiers qu’elle aimait tant.

C’est 68 personnes accompagnées ou brancardées à Lourdes, ce lieu qu’elle fréquentait régulièrement et depuis très longtemps déjà. Implorant un miracle pour les autres et ayant sans doute omis d’en demander un pour elle-même, car si elle pensait souvent aux autres, elle s’oubliait parfois.

Ce sont quelques dizaines de catéchumènes dont elle s’occupait. Certains m’ont confirmé qu’ils en avaient un souvenir attendri, surtout parce qu’Avec AnneSo, les goûters avaient un petit gout d’abondance miraculeuse. Avec trois fois rien, elle savait faire beaucoup. Cela me rappelle quelqu’un : un peu comme àTibériade mais à Monein.

Ce sont 50 amis fidèles, rencontrés tout au long de sa vie et qu’elle avait plaisir à visiter ou accueillir dans sa maison de Monein. Pour ses amis et tant d’autres, AnneSo c’est 235689 tranches de saucisson, de jambons ibériques ou moneinchons, de fromage de brebis servies, après avoir été tranchées délicatement et très finement par Bertrand. Ces deux-là étaient vraiment faits l’un pour l’autre. Ces dernières années, Elle et Bertrand trichaient un peu, utilisant en loucedé une trancheuse à jambon. Ce qui permettait de trancher plus encore, car il ne fallait jamais manquer de rien. Le trancheur en panne, c’est la plancha qui prenait le relai : olé !

AnneSo, c’est 500 000 coups de téléphone passés, souvent en conduisant, en cuisinant ou en jardinant, parfois les trois en même temps. 500 000 appels dont un bon quart à Bertrand, une bonne moitié à ses enfants et le reste à un pourcentage significatif de la population mondiale. Il se dit dans les milieux autorisés qu’elle aurait passé jusqu’à 30 appels à son cher mari en une seule journée, mais je crois que c’est une légende familiale…

12000 sandwichs beurrés notamment  lors des compétitions de basket, sport sans lequel la vie d’Anne-Sophie, que dis-je LES vies de ma sœur n’eussent  pas été tout à fait les mêmes. 15000 sandwichs engloutis par la famille VP (y sont tellement gourmands qu’ils piquent parfois ceux des voisins). 57 villes visitées, avec notamment les stades, le McDo et les stations-services juste au bord de l’autoroute, là. 564845215 km parcourus dans un fourgon Vito hors d’âge. 235 parquets fréquentées. 230 arbitres conspués, soit qu’ils ne permettaient pas à ses enfants d’entrer sur le-dit parquet, soit qu’ils arbitraient mal.  6532 rendez-vous chez le médecin, kiné, ostéopathe, et tout et tout. 2350 cris et gestes d’encouragements frénétiques et 5000 câlins les soirs de défaite. Heureusement, Marion n’a jamais joué au basket, sinon on aurait dépassé les 20000 sandwichs et les 10 000 câlins.

Il faut ajouter les 5200 macarons Pierre Hermé engloutis avec Marion en chantant. Sans chant, la vie d’Anne Sophie n’eût pas été la même : Isa a aussi tenu la comptabilité de cet investissement hors normes : 432 salles de concerts ou d’audition fréquentées, de l’église de Monein à l’Opéra Garnier, 23 chefs d’orchestre conspués car ils ne reconnaissaient pas le juste talent de la Castafiore. 6532 rendez-vous chez le médecin, kiné, cordevocalologue et tout et tout.  Heureusement que les 4 autres enfants n’ont pas souhaité faire carrière dans la chanson lyrique, sinon on dépassait la barre des 100000 sandwichs et macarons.

AnneSo, c’est 21325 heures de retard cumulées en rendez-vous. Je me souviens que pour ses 5O ans, et qu’à 48 heures de l’événement nous avions le programme suivant :  Anne-Sophie arrive de Poitiers avec Martin pour le dîner à 23h30. Ils auront donc dîné. Ou pas. Bertrand est avec Jean, qui arrivera pour le goûter à 4 heures, mais du matin. Ils auront peut-être dîné. Ou pas. Marion finit de coller son papier-peint à Paris, rejoint Thomas en Lozère en canoë, récupère Luc à Bordeaux. Arrivée prévue cette nuit, si les tout se déroule comme ce n’est pas prévu. Ils auront becqueté, c’est sûr : y’a Thomas dans le groupe.

En général, quand on attendait ma sœur, on l’appelait. Pour confirmer notamment l’horaire d’arrivée.

-        Anne-So ?

-        J’arrive !

Et elle raccrochait. Précision non faite des trois éléments suivants : lieu, date et heure.

C’est enfin quelques milliers de Pater Noster, d’Ave Maria, chuchotés, criés, chantés aussi en français, en latin de cuisine lorsque préparait ses confits, en Espagnol et même en Javanais , ici et partout, durant les messes qu’elle manquait rarement parce que c’est la Vie.

Anne Sophie, c’est une présence. Et c’est au présent que je m’adresse à elle pour finir par un petit texte de Solenn, une de ses nièces qui dit de belles choses avec ses mots, c’est quand même mieux que quelques chiffres un peu froids.

Anne-Sophie,

J'ai envie de te remercier pour les bons souvenirs que tu me laisses, ces souvenirs dont tu fais partie sentent bon la joie de vivre, les robes colorées, ton rire et ton sourire qui ont  embaumé nos cœurs.

Je me souviens étant plus jeune que ta présence m'a toujours fait du bien, ton aura était très rassurante, tu arrivais à apaiser nos pleurs et nos petits bobos avec ta voix et tes mots doux; j'ai beaucoup de souvenirs comme ça.

Même si ces dernières années on ne s'est pas beaucoup vues, je garde aussi de très bon souvenirs, notamment le Noël où on s'est lancé le défi de faire un dîner presque parfait ! C'était vraiment super amusant et ça m'a fait tellement plaisir de vous revoir Toi, Bertrand et les cousins !

Tout ça pour dire que je garde ces souvenirs précieux dans ma tête et dans mon cœur bien au chaud 💗

Je n'oublierai jamais ton rire, ton sourire, ta bienveillance, ton courage, et le combat que tu as mené Je te souhaite d'être apaisée pour le passage dans ta nouvelle vie et je t'envoie tout mon amour depuis chez moi.

 Je t'embrasse bien fort Anne-sophie.

Merci encore ✨️

Pour terminer, je me souviens de nos derniers échanges. Anne-Sophie était apaisée avec son beau visage rayonnant malgré les épreuves et l’ayant quitté, je me suis surpris à penser que je sortais de ce moment plus fort et apaisé qu’en entrant. Réconforté et confiant. Alors que normalement cela aurait dû être l’inverse. 

Elle m’a bien eu : c’est tout elle. 

C’est Anne-Sophie, ma très chère sœur.