dimanche 17 août 2008

Petit dictionnaire de la belle vie de Lucile Croigié-Bécart

Mamie: nom féminin. De Ma, à moi et mie, du pain. Tendre comme du bon pain. Le mot désigne un être cher et aimé que d’aucuns nomment mémé ou Mémère. La tendresse tient parfois à peu de choses.
Peau: n.f. Peau. Alors que la plupart des mamies piquent au soir du troisième âge, la peau des mamies du Bernou est très douce. Cette peau prête à de tendres bisous. Jusqu’à 97 ans révolus. Une mamie sait donner les baisers. Et plus difficile, elle sait les recevoir. Avec volupté. Les donner aussi. Jusqu’au bout, quand, devant se faire porter, la mamie, notre mamie embrassait celui ou celle qui le prenait dans ses bras. La peau des mains de Mamie reste douce grâce à de douces crèmes magiques. Ne pas confondre peau et Pau.
Mains: il arrive que des mains même déformées restent belles. Réhaussées de l’éclat d’un diamant étincelant, elles savent conserver leur port altier en toutes circonstances. Le maniement du sécateur et de la tasse de thé sont sans effet sur ce port. De telles mains attirent souvent l’œil du photographe ou du peintre Moreau.
Nez: appendice dont il eût été difficile d’hériter. Le nez de mamie est à la figure ce que le diamant est à la main. Sculpté, hors norme, il brille de mille feux et sait rester discret, la beauté du visage souriant faisant diversion.
Parents: les parents sont généralement au nombre de deux. Un père, Victor, que l’on sent légèrement admiré. Une mère, Julienne, que l’on ressent légèrement aimée. Julienne n’appréciait rien tant que les légumes de son jardin. Les juliennes de légumes de Julienne… Alors bon.
Légèrement: extrêmement lorsqu’il s’agit des parents.
Frère: les frères sont des gens comme les autres. Ils sont simplement parfois très admirés. Notamment par leurs sœurs. La séparation guerrière précoce est un déchirement qui dure parfois de nombreuses années. Au contraire de Mamie, le copain d’infortune de Julius ne savait pas nager. Julius coula pour s’échouer sur de lointaines plages bataves. Les cimetières hollandais, introuvables, ne sont pas gais.
Natation: Les Mamies savent parfois nager. Avec Mamie, la brasse coulée l’est vraiment. Nager sans avancer le moins du monde est possible à Aubeterre.
Allemands: tuent Julius.
Français: ont fait tuer Julius.
Mari: les maris n’ont jamais raison. Sauf Edouard, qui eût le bon goût de se marier avec Lucile.
Lucile: les Lucile ont toujours raison. C’est Edouard qui le disait, le criait parfois. Ah, non, me dit-on. Souvent.
Bécart: nom très joli, porté par des Lucile très jolies. La plupart des Bécart sont très sympathiques.
Croigié: patronyme disparu le 1er juin 2008. La plupart des Croigié sont également très sympathiques.
Bélanger: patronyme maternel à la généalogie malheureusement imprécise.
Raisonnable: bien qu’ayant toujours raison, les Lucile n’ont jamais su être raisonnables.
Fils: fruit d’amour. Les fils disparaissent parfois trop tôt. Surtout Christian. Les courtes maladies rigolotes sont aussi nulles que les longues agonies tristes.
Filles: fruits d’amour. Les filles sont généralement au nombre de 2. Elevées avec amour dans un environnement propice au bonheur, elle savent prendre soin de leur maman et l’accompagner dignement jusqu’aux portes du Paradis. Aussi peut-on dire que le Paradis commence parfois sur terre.
Petits-enfants: ils sont généralement au nombre de 6. Les filles dépassent en nombre les garçons, mais la quantité ne fait pas tout. De même qu’une blanche vaut deux noires, un gars vaut trois filles. Quant à un mec noir…. Enfin bon, j’ai toujours été nul en solfège.
Arrières petits enfants: la quantité ne fait pas tout, mais 19 minuscules avec deux filles, c’est une forme de performance. De mec.
Thérèse: nom d’une chambre.
Mimi: marraine très gentille.
224: une adresse. A Lille.
Saint-Floris (59): à Saint Floris, l’été parvenu, certaines maisons s’emplissent de cerises et résonnent de chansons. Le temps des cerises venu, Charles Trenet en chanson, tandis que mamie papillonnait en chantant.
Juan les Pins: Appartement de rêve, où la peau se hâlait lentement aux bords de plages désertes de petits matins printaniers. L’évocation de Juan-Les-Pins provoque de brèves bouffées de nostalgie jamais éteintes. A Juan, le mobilier est d’époque.
Pau: Nom de famille. Viager Pau, pardon, Emile Pau fait partie de la famille. L’Appartement aussi. Enfin il en a fait longtemps partie. Trop longtemps. Pas Emile. L’appartement. Les appartements en viager à Pau rendent fous. Un décès y provoque parfois des hourra. Les Palois entendirent sauter des bouchons de champagne, POP!, les soirs de certains décès qui virent les rentes se transformer en capital.
Joie de vivre: mamie, en Bécart. Joie. Vivre. Deux très jolis mots.
Le Bernou: site privilégié où chaque matin , l’écureuil vient saluer la Pivoine du Marquis, et où la Bergeronette répond aux mamies chantantes. Rêve de petits enfants, il devint réalité pour six privilégiés. L’écureuil et la bergeronette cohabitent dans un cèdre bicentenaire, observant de frugales agapes aux réjouissants méchouis d’étés trops brefs.
Chiens: quadrupèdes obéissants. Tome, Pirate et La Belle l’ont été, dressés…..
Petits enfants: bipèdes désobéissants, mais c’est pas grave.
Petit: de biens gentils voisins qui nous cassent parfois les noix quant l’automne venu, il faut sécher et trier les couilles. Ah non, pardon, c’est l’inverse! Les Petit sont de grands voisins très attentionnés.
Bocquier: sans être voisins, ils sont également très attentionnés.
Poème: le sonnet du bonheur.
Chanson: chanter préserve la jeunesse et permet de faire croire à son entourage que la mémoire est infaillible.
Le Sonnet du Bonheur: mémoire vive. Règle de vie vécue. Poême anti-Alzeihmer.
Sublimer: Une mamie, c’est deux incendies de cuisine, avec des œufs durs sublimés. La recette: faîtes bouillir de l’eau. Recommencez, car vous avez oublié la casserole sur le feu le temps d’aller tailler 400 rosiers. La casserole est noire. Cramée. Remettez de l’eau. Déposez des œufs dans la casserole. Quand l’eau frémit, Edouard et les pompiers aussi. Laissez cuire plusieurs heures. La casserole est toujours noire. La cuisine aussi. Edouard est vert. Les œufs ont disparus. Sublimés. Penser à aller fermer le robinet pour ne pas risquer l’inondation.
Quatre quart au citron: cake dont la recette reste un mystère. Brûlé dans la plupart des cas, il relève de la cuisine d’improvisation. La version sans citron reste comestible. Le quatre-quart peut devenir trois-quart et parfois demi. Le trois-quart au citron ne contient pas de farine. Le demi au citron ne contient ni farine, ni levure, et le zeste de citron y est avantageusement remplacé par du chocolat. Le quatre-quart mono ingrédient ressemble à s’y méprendre à un paquet de farine.
Thé: boisson rafraîchissante, contenue dans des tasses en porcelaine autour desquelles 3 ou 4 mamies de Charente fomentent d’improbables mariages. Les thés Marriage sont parmi les meilleurs du monde. Les mariages autour du thé n’ont pas toujours la saveur espérée.
Toulotte: se marier se dit toullouter en ch’ti. C’est Clerc? Il est de bon goût de se marier avec une grosse fortune. De droite.
Conduite: les mamies, ça sublime aussi la conduite . Démarrage. Accélération. Monter les tours au démarrage. Le moteur vrombit, rugit; Edouard aussi. La voiture reste immobile; pas les graviers. Le pied quitte la pédale d’embrayage. La voiture quitte l’allée et rencontre l’église de Pillac. La voiture gicle. Les graviers aussi. Jamais de ceinture de sécurité. La ceinture, c’est pour Edouard. Ah non, finalement. Edouard a une dispense de port de ceinture de sécurité; véridique. Il préfère les bretelles. Mamie au volant? Jamais de lunettes. Conduite à gauche, avant même l’invasion des anglais. C’est la démolition de plusieurs voitures. L’église de Pillac épargnée de justesse. C’est l’apprentissage de la conduite à partir de 14 ans pour quelques petits enfants. Aller faire les courses à Montmoreau ou saint-Séverin en voiture à 14 ans…
Lunettes: améliorent la vue. Elles permettent ainsi de mieux voir les défauts. C’est la raison inavouée pour laquelle Mamie ne les portait jamais. Sans doute volontairement, et c’était bien elle ça, non?
Joie de vivre: inné.
Inné. Joie de vivre, sens de l’accueil.
Paradis: si personne n’est jamais revenu de là bas pour nous dire si cela existait, nul doute que l’on y entend de bien jolies chansons depuis le 1er juin dernier.
Noyau: arbre en devenir. Le jeter de noyau improbable est un mode de semis efficace et fructifère. Au Bernou seulement et par mamie uniquement.
Gingko et Biloba: Dolce et Gabana arboricole. Le ginkgo est un arbre très joli. Il coûte cher - l'arbre aux 40 écus -, et résista à la bombe à Hiroshima. Le cèdre du Liban est également très joli; s’il résiste bien mal aux bombes à Beyrouth, il reste planté sous les ouragans pillacois.
Roses: on y trouve parfois des alliances, des bagues.
Sac à mains: bien que rangé une fois par semaine pendant le sermon dominical, il eût été bien difficile d’y trouver quoi que ce soit. Des lunettes peut-être… Le bruit des pièces remuées remplissait d’allégresse le quêteur.
Pommes de terre: nourriture terrestre. Sautées, elles donnent la frite; en purée, elles donnent la patate. Le repas ne se conçoit pas sans ce tubercule. Compter deux tubercules par personne, quatre pour mon petit Arnaud et deux supplémentaires pour ne pas manquer, on ne sait jamais, vous n’avez pas connu deux guerres. Les hommes en ont deux; des patates, je vous en prie; les femmes une seule.
Poule au pot: manque de bol, pouf pouf, on n’y aura plus droit. Pas de chance. Re Pouf. Navets, carottes, poireaux, zests de citron (ceux du quatre-quart, voir sublimer), une poule, dézinguée, faut voir comment, mamie et ses ciseaux dans une main , la poule dans l’autre, avec son diamant à 200 carats…. La poule loto (loto... chance... avoir du pot.... la poule au pot... Alors bon) est assez peu digeste les soirs d’arrivée à 23 heures, après 6 heures de route, mais la tradition roborative a du bon.
Apéritif: moment de convivialité jamais démenti. La mémoire flanchant, il arriva que l’apéro soit bissé.
Champagne: boisson à bulles que tu réclamais encore deux semaines avant de décoller. En perfusion, permettrait peut-être de gagner 15 jours.
Vin: liquide tanique qui rend tonique. La consommation de vin désole Evian et attriste Vichy. Elle réjouit à Pillac, où, contrairement à l’eau le vin ne manqua jamais. L’eau désoblige la poule au pot et sied à la brosse à dents.
Lit: nuptial ou conjugal ou partouzal, , il fût le lieu interlope d’intervilles mémorables où les petits enfants, de vachettes repus, s’esclaffaient aux jeux débiles que le disputaient les réparties séniles de Simone et de Guy. Le baiser télévisé que la morale réprouve est heureusement censuré.
Bijoux: gros, ils sont diamants. Petits, ils sont enfants. De petits bijoux ont parfois beaucoup plus de valeur que les gros.
Casseroles: percées, elles permettent d’éteindre le gaz automatiquement par dissolution des flammes dans des geysers de bouillons évaporés. A l’instar de la poêle, la casserole se collectionne. Remplie d’huile à frites, elle enflamme les hottes, mais avec 400 rosiers à tailler…
Blanche Porte: des cadeaux que les 3 suisses redoutent. Pouf Pouf. Les petits enfants aussi, lorsqu’au pied du sapin le vingtième fer à repasser de voyage, la cafetière pour nains de jardin ou la radio 2 x 0,1 watts fonctionnant avec dix huit piles attendent fébriles de savoir qui récupérera quoi.
97 années: une éternité; c’est long, surtout vers la fin. Ah, non finalement, ces 97 années, elles sont passé vite pour nous. Trop vite. Ils ont bien de la chance au Paradis!